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ZAO WU QI



Ce jour-là,

j’ai laissé mes certitudes et mes doutes

dans le vestibule du musée.

J’y ai déposé aussi cette vieille habitude toute grise.

Celle de l’ennui qui s’installe habituellement sur mes épaules et le bas de mon dos, celle qui me fait traîner les pieds quand je visite un musée, une salle de classe ou un centre commercial éclairé aux néons.

Un vieux réflexe hérité de l’enfance.

Cette enfance pendant laquelle

je préférais courir après les figues, les truites et les papillons

plutôt que de m’enfermer dans une salle à l’air vicié,

pour disserter sur les intentions présumées d’un artiste,

mort il y a plusieurs centaines d’années.

Les couleurs qui me parlent, se cueillent dans la nature.

Même le mental agité n’ose pas les remettre en question.

Ce sont des couleurs qui ne demandent pas d’autorisation.

Elles s’imposent d’elles-mêmes.

Mais ce jour-là, je suis entrée dans ce musée,

complètement nue face à l’inconnu.

Avec l’œil neuf et la joie de l’enfant prêt à jouer,

je me suis lancée dans cette salle bondée de visiteurs.

Face à moi, « il ne fait jamais nuit ».

Une toile immense.

Rose, verte, jaune.

Avec des tâches par-ci par-là.

La claque magistrale !

Pour la première fois de ma vie,

je me suis retrouvée instantanément saisie face à une peinture.

Je n’ai même pas eu le temps de respirer

ou de plonger dans l’énergie de la toile.

Elle m’a attrapée !

La beauté de l’œuvre s’est révélée,

lorsque ma petite personne s’en est allée.

Le vide inscrit jusqu’au cœur de la toile et de la matière huileuse

a rencontré la profondeur du vide qui nourrit mon cœur.

La salle était gorgée de visiteurs,

et moi, je n’étais plus là.

Seule subsistait l’immensité paisible et intensément libre

inscrite au plus profond de l’œuvre de Zao Wu Qi.







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